Architectures des pouvoirs démocratiques
avec Frédéric MORIN, architecte DPLG 1982
Le langage et la parole sont les outils indispensables à la pensée et à l'exercice démocratiques.
Les récentes "péripéties" de Sainte-Soline, de l'adoption de la réforme des retraites ou plus loin de l'assaut du Capitole de Brasília (Oscar Niemeyer et la Place des Trois Pouvoirs) après celui de Washington montrent à quel point les espaces (au sens large) participent à l'expression des opinions des personnes. Ces événements interrogent tout naturellement sur l'organisation de la démocratie et les processus de prise de décisions (= son architecture), comme sur la construction des opinions. Les manipulations autour de l'incendie du Reichstag en 1933 en offrent une caricature organisée par les dirigeants nazis au service d'Hitler.
Le pouvoir ordonne les rapports entre les individus ; le pouvoir démocratique tente de les organiser au bénéfice collectif et partagé. Là est l'objectif de la démocratie, sa ligne d'horizon aussi (= impossible à atteindre).
Depuis quelques siècles, des sociétés humaines semblent en marche vers cet horizon laïc, hors des champs contrôlés par les religions. Des bâtiments spécialement conçus accueillent les institutions imaginées pour mieux débattre puis adopter les termes de la construction d'un avenir meilleur. L'architecture et l'urbanisme favorisent ainsi le fonctionnement de ces institutions, comme à Chandigarh par Le Corbusier. Le fédéralisme allemand (Bundestag+Bundesrat) ou américain (Capitole) et la monarchie constitutionnelle anglaise (palais de Westminster) ont choisi des voies différentes de celles de la République française (palais Bourbon + Luxembourg), où l'on manifeste "de République à Bastille puis Nation" en s'éloignant des lieux du pouvoir, visiblement de moins en moins représentatif.
Ces procédures représentatives sont désormais mises à mal par le fonctionnement des réseaux dits "sociaux" (en fait plutôt "communautaires"), grâce auxquels chacun peut déterminer à l'avance le contenu des informations qui vont modeler son jugement et ses opinions futures, à rebours de tout comportement rationnel. Comment équilibrer son jugement si l'on organise volontairement sa surdité partielle ? Dans ce sens, nos gouvernants comme les militants qui leur font face sont réciproquement sourds. Il faudra pourtant bien retrouver les lieux pour se parler et surmonter les crises qui affligent déjà l'humanité !
Seul le langage permet de surmonter les conflits d'intérêts sans passer par le tranchant des armes.
Voici donc une conférence particulièrement ancrée dans l'actualité la plus chaude !